PRISE DE POSITION DE LA FFQ SUR LES GARDERIES (1974)

par la Fédération des femmes du Québec

De nombreux groupes de femmes ont formulé des demandes devant la Commission Bird pour la création de garderies. Leur nécessité ne fait aucun doute mais leur financement, toutefois, pose de nombreux problèmes. En effet, la Commission a formulé cinq recommandations sur les garderies qui toutes concernent les modalités de financement. De leur côté, les groupes radicaux exigent des "garderies gratuites, ouvertes 24 heures par jour et contrôlées par les parents et les employées". En 1973, la ministre Lise Bacon propose une politique pour l'établissement de garderies dont le financement serait partiellement assuré par le gouvernement provincial. Mais le recours aux garderies semble encore, pour un grand nombre de personnes, une solution coûteuse. En 1974, la Fédération des femmes du Québec fait connaître sa position, s'insurgeant contre les propos alarmistes du démographe Jacques Henripin. Elle s'oppose à la garde en milieu familial et favorise les garderies en milieu de travail et les garderies pouvant accueillir les enfants de 0 à 2 ans; elle souhaite un financement public important, onéreux, mais qui pourrait faire économiser dans d'autres programmes de soutien.


La participation des femmes au marché du travail est maintenant un fait établi. Leur droit à l'éducation supérieure est aussi une réalité sur laquelle on ne discute plus tellement.

Manifestation de travailleuses de garderies pour obtenir des conditions de travail acceptables dans les années 1980 Cependant, il est encore difficile de faire admettre à la société la responsabilité qu'elle a vis-à-vis la garde des enfants d'une femme qui travaille. En effet, ne l'oublions pas, lors de la naissance des enfants, la femme se sent soumise à des exigences qui vont jouer sur son existence durant une période assez longue. Nous savons que de nos jours une absence prolongée du marché du travail peut handicaper considérablement les bienfaits d'une formation académique poussée. Sans compter que la hausse du coût de la vie oblige littéralement un très grand nombre de femmes à demeurer au travail pour aider leur époux à subvenir aux besoins de la famille. Laisser ces femmes se débattre seules au milieu des innombrables difficultés qu'entraîne actuellement la garde des enfants en bas âge apparaît à la Fédération des Femmes du Québec comme une attitude surannée et inadmissible.

C'est pourquoi la FFQ désire exprimer son opinion sur ce problème et notamment sur le document de travail soumis à la population par Madame Lise Bacon.

"Notre but, disait la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, n'est pas de forcer toutes les femmes à se joindre à la population active, pas plus qu'à rester au foyer avec leurs enfants. Beaucoup de femmes souhaitent se charger entièrement du soin de leurs enfants; d'autres préfèrent occuper un emploi rémunéré ou s'adonner à certaines activités en dehors du foyer. Il faut que toutes reçoivent l'aide voulue pour pouvoir réellement être en mesure de choisir; or à l'heure actuelle, elles en sont incapables".

C'est dans cette optique, qu'elle juge la plus réaliste et la plus honnête vis-à-vis cette question, que la FFQ réaffirme sa position quant à la nécessité d'établir au Québec un réseau universel de garderies subventionnées par le gouvernement.

Tenant compte du fait que le document de Mme Bacon pourrait influencer les modalités de ce réseau universel, la FFQ a préparé un document dans lequel elle faisait connaître sa position sur la question.

Ce document étudiait les points suivants :

  1. Information : Il y était demandé que le ministère informe de façon plus adéquate les contribuables à l'aide de données élaborées et précises pouvant servir d'assises à l'élaboration des politiques.

  2. Les modes de garde des enfants :
    • La garde en milieu familial est totalement rejetée, ne pouvant assurer la croissance personnelle de l'enfant;
    • La garde en milieu de travail est préconisée dans les centres de travail avec forte concentration de femmes;
    • La garderie de jour, avec personnel multidisciplinaire, devrait inclure les enfants de 0 à 2 ans;
    • La halte garderie répond à des besoins urgents et devrait être sous la surveillance d'une personne qualifiée.

  3. Le financement des services de garde, dont l'administration devrait être confiée aux garderies elles-mêmes, devrait reposer sur une grille d'aide financière révisée.


Conclusion

Il est temps que le gouvernement du Québec s'occupe du problème des garderies. Nous croyons qu'un secteur du Ministère des affaires sociales devrait être disponible en permanence pour fournir rapidement tous les services administratifs et les conseils nécessaires au bon fonctionnement des garderies.

Le démographe Jacques Henripin soulignait récemment que "la baisse rapide du taux de naissances au Québec obligera probablement le gouvernement à intervenir dans un proche avenir pour éviter que la population québécoise ne voie ses effectifs diminuer". Ajoutant que la baisse de natalité pourrait s'accentuer encore davantage, monsieur Henripin estimait "que les autorités politiques prendront sûrement des mesures pour contrer ce phénomène… mesures correctives (qui) seront extrêmement onéreuses pour la collectivité".

Il est évident que les services de garderies entraîneront des coûts élevés. Mais combien coûtent au gouvernement à l'heure actuelle les foyers nourriciers, l'assistance aux mères célibataires et aux autres femmes chefs de familles? De bonnes garderies inciteraient peut-être ces femmes à subvenir elles-mêmes à leurs besoins, réduisant d'autant le poste du budget provincial qui leur vient en aide.

Pour la FFQ, c'est dans un tel cadre de référence que s'inscrit l'implantation d'un régime adéquat de garderies et elle croit que la société québécoise se doit de prendre ses responsabilités dans un domaine aussi important.

[Source : Bulletin de la Fédération des femmes du Québec, vol. 4, no 3, avril 1974, p. 22-23.]

Documents reliés :
Mémoire concernant les services de garde à l'enfance au Québec, Lise Houle, AFÉAS, 1979
Une histoire sans fin: l'implantation des services de garde pour enfants au Canada durant les années 1970, Rianne Mahon, 2002



© Éditions du remue-ménage, 2003

Mis en ligne le 1er octobre 2004 par Nicole Nepton
Mis à jour :