Mémoire de la FFQ concernant le
 "Livre vert sur l'enseignement élémentaire et secondaire" (1978)

par la Fédération des femmes du Québec

Durant les années 1970, l'école publique a été un laboratoire d'expérimentation pédagogique qui a donné lieu à une variété d'innovations qui ont fini par susciter de nombreuses critiques concernant l'absence de manuels approuvés, la politique d'évaluation et l'improvisation didactique. L'élection du Parti québécois, en 1976, suscite la mise en place de nouvelles études afin de mettre un peu d'ordre dans l'ensemble du système. Les intentions gouvernementales sont consignées dans le Livre vert sur l'enseignement élémentaire et secondaire en 1978. Réagissant à ce document, la Fédération des femmes du Québec en profite pour faire le point sur les questions rattachées à l'enseignement des filles. Des questions nouvelles sont apparues : les stéréotypes sexuels dans les manuels scolaires, question soulevée par le comité-femmes de la CEQ, le sexisme, la discrimination dans l'orientation des filles, étudiée de manière particulière par le Conseil général de Québec de la FFQ, la sexualisation des rôles. La Fédération des femmes du Québec déplore que le document ministériel reste en marge du débat sociétal suscité par l'analyse féministe et en rappelle les principales revendications.


À la lecture du livre vert, une première constatation surgit de façon frappante, c'est l'absence totale d'un des "débats de l'heure" dans notre société et dans le monde soit celui de la condition et de la place de la femme dans la société. Partout ne dit-on pas vouloir prendre en considération les différents facteurs de changement dans notre société et la situation de mutation dans laquelle nous nous trouvons?

On peut donc s'étonner que l'on situe "l'école au cœur des grands débats" alors que l'un des plus importants est escamoté. On peut même se demander quelle signification profonde on peut accorder à l'assertion suivante : "La collectivité ne saurait tolérer la mainmise d'un groupe particulier sur l'école" alors que le dossier femme est totalement mis de côté. C'est une situation de discrimination insidieuse que celle où il n'est fait nulle mention parmi les grands thèmes débattus sur la place publique du sexisme dans les manuels scolaires et dans l'orientation des jeunes, de même que de la sexualisation des rôles. Tous ces sujets n'ont-ils pas donné lieu à des études sérieuses - souvent subventionnées par les gouvernements - et à des revendications de la part des femmes québécoises?

Il est triste de penser qu'une réflexion comme celle du livre vert ne nous amène qu'à la reproduction des modèles traditionnels à domination masculine et au maintien d'une situation d'aliénée pour la femme. Trouvera-t-on peut-être notre diagnostic trop sévère, poussé à l'extrême? Nous croyons au contraire qu'il reflète une réalité constante et maintes fois dénoncée et nous demandons un redressement de la situation. Nous croyons que c'est également le rôle de l'école de revaloriser les femmes en ne proposant pas la maternité comme vocation naturelle et unique, mais plutôt d'intégrer cette fonction dans un plan de carrière.

Or, à divers endroits dans le livre vert, on voit nettement que l'on penche au contraire pour la reproduction des rôles sexuels traditionnels quand on parle de "complémentarité des rôles". Si par hasard on fait appel à des changements sociaux comme la présence de la femme ou de la mère sur le marché du travail, c'est pour en marquer le coût social pour l'État, comme si la femme qui travaille ne payait pas ses impôts et ne participait pas en ce sens à la productivité, au développement de son pays.

Nous trouvons très grave que nous entretenions encore la nouvelle génération dans une conception étroite et dépassée de la femme, son rôle et ses droits fondamentaux.

Synthèse des recommandations

  1. Éliminer le sexisme des manuels scolaires.
  2. Éliminer le sexisme dans l'orientation en développant une égalité des chances dans le choix des métiers et des carrières par des moyens appropriés tels que le programme pilote mis sur pied à Québec par le CSF et la FFQ [...].
  3. Développer de véritables cours d'éducation sexuelle adaptés aux réalités contemporaines et les rendre accessibles à tous les élèves.
  4. Préparer des enseignants à donner ces cours.
  5. Développer des cours d'autodéfense au secondaire pour garçons et filles.
  6. Rendre obligatoires à tous les élèves sans distinction de sexe les cours d'initiation à la technologie et d'économie familiale.
  7. Développer des garderies en milieu scolaire.
  8. Favoriser une ouverture des écoles au milieu et développer des programmes adaptés aux besoins des femmes par l'intermédiaire de l'éducation permanente.
[Source : Archives de la Fédération des femmes du Québec.]

Document relié : Mémoire concernant le Livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire, Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS), 1978

REPÈRES :
1961 : Éducation, la fin d'un système (Archives de Radio-Canada.ca)
1965 : Réveille-toi, Belle au Bois Dormant, réveille-toi!, Françoise Loranger
1966 : Une fédération pour les femmes du Québec (Archives de Radio-Canada) - Ouverture du 1er congrès de la FFQ



© Éditions du remue-ménage, 2003

Mis en ligne le 1er octobre 2004 par Nicole Nepton
Mis à jour :