S E U L E   L A   L U T T E   L I B È R E 23-08-04
Ghislaine SATHOUD, écrivaine



Au Congo-Brazzaville, les femmes font des pieds et des mains pour améliorer leur condition en dépit de la violence, des préjugés et des coutumes. Un article de Ghislaine Sathoud, journaliste et écrivaine originaire de ce pays d'Afrique centrale.


Les textes face à la réalité
Plusieurs instruments du droit international protègent les Congolaises. Le rapport que les Nations Unies présentaient le 8 avril 2002 évoque la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et se prononce en ces termes : "La législation congolaise permet à la femme en sa qualité d'être humain et de sujet de droit d'ester en justice. En fonction de la nature du dommage, et de l'infraction subie, la femme peut faire prévaloir sa cause devant les juridictions civiles, pénales et administratives. Il existe, sur ce point, une réelle égalité entre l'homme et la femme. Par ailleurs, les droits de la femme qui sont appréciés par les juges ne résultent pas uniquement de la législation nationale. Les conventions ratifiées par le Congo sont applicables dans l'ordre juridique congolais car elles ont une valeur juridique équivalente à la loi."

Mais dans la réalité, la situation est bien différente et parfois même désespérante. Le rapport de l'ONU précise ainsi que : "Les coutumes congolaises continuent de s'appliquer en dépit de l'existence d'un système juridique moderne et de leur abrogation formelle. Ce dualisme juridique contribue à la persistance de certaines normes coutumières défavorables à la femme. À cela s'ajoute le poids des préjugés et d'une culture patriarcale basée sur l'inégalité entre les sexes et sur la supériorité des hommes sur les femmes. Ces pratiques illégales sont néfastes, elles ne contribuent pas à la promotion et à l'émancipation des femmes."


Chronique d'un combat de longue haleine
Le combat des femmes congolaises pour leur émancipation ne date pas d'hier. Depuis plusieurs années déjà, elles se battent bec et ongles pour améliorer leur condition. "Vers la fin de l'époque coloniale, notamment avant et pendant l'indépendance (1960), les femmes congolaises ont commencé à s'organiser en associations, penser à leur émancipation et épanouissement et revendiquer leurs droits. Ainsi plusieurs associations vont naître; ce sont entre autres : la Violette, la Pause, la Rose, la Rosette, Diamant, Alliance du Niari, Femmes Caïman, Étoile brillante, etc. Ces associations à caractère social et culturel ont une action basée essentiellement sur les domaines suivants : cuisine, couture, broderie, alphabétisation, sport, théâtre, danses traditionnelles, entraide mutuelle. Outre ces associations, il a été créé à Brazzaville, en 1959, l'Union des femmes françaises sous la présidence de l'épouse du Haut Commissaire de l'Afrique équatoriale française. Elle a pour but d'éduquer les femmes congolaises sur les plans socioculturel et économique."

Les actions se sont multipliées pour rendre la lutte des femmes plus efficace. Les Congolaises veulent participer au développement. Ainsi, en 1960, l'Association des femmes africaines, affiliée au Conseil international des femmes, a été créée avec comme objectif principal "l'émancipation de la femme et sa participation au développement social, économique et culturel de la nation". Un an plus tard, naissait l'Union pour l'émancipation de la femme africaine "ayant pour objectif d'amener la femme à une prise de conscience réelle pour le plein épanouissement de sa personnalité et de son autonomie en vue de sa participation effective dans tous les domaines de l'activité nationale". Ces associations se sont regroupées en 1964 pour donner naissance à l'Union démocratique des femmes du Congo.

Il faut dire que le virus de la lutte pour l'émancipation est contagieux. Plus les Congolaises s'impliquent, plus elles réalisent la nécessité de s'organiser pour assurer un meilleur avenir aux générations futures. Il y a une grande prise de conscience de l'importance de se mettre ensemble pour constituer une force. Ainsi, en mars 1965, elles créaient l'Union révolutionnaire des femmes du Congo, l'organisation compétente en matière de promotion de la femme au sein du parti de l'État. Sa devise "Seule la lutte libère" incitait les femmes à se prendre en charge. Non seulement, elles prenaient conscience que les droits ne sont pas donnés sur un plateau d'argent, mais aussi elles réalisaient que c'est le combat qui peut déblayer la route de la liberté.

Les Congolaises ne restent pas en marge de la situation politique du pays. Quand il s'engage sur le chemin de la démocratie, elles persévèrent pour se donner plus de moyens pour mener leur combat. Quand le multipartisme s'instaure en 1990, les ONG et associations féminines se multiplient. Quelque 400 organisations interviennent dans les domaines de la paix, du développement économique, de la santé, du droit, de l'éducation, de l'assistance aux enfants en détresse, des personnes handicapées. Elles constituent des réseaux oeuvrant en faveur des droits des femmes.


De nombreux gains
Dans cette lutte effrénée, tous les moyens d'accroître l'efficacité sont considérés au plus haut point. Elles sont récompensées et obtiennent de nouveaux instruments pour faire entendre les doléances visant à éradiquer les stéréotypes. En effet, "l'engagement des femmes congolaises va conduire à la création en 1990, de la direction de l'Intégration de la femme au développement et en 1992, du ministère délégué à l'Intégration de la femme au développement. En 1997, est institué le ministère de la Famille chargé de l'intégration de la femme au développement. Et, en janvier 1999, pour des raisons économiques, le département de la Promotion de la femme est rattaché au ministère de la Fonction publique et des Réformes administratives."

Pour assurer un suivi sur les activités en faveur des femmes, un ensemble de moyens ont été mis en place. "Le ministère chargé de la promotion de la femme joue un rôle transversal qui le met en relation avec tous les autres départements ministériels qui, dans leurs activités quotidiennes, assurent diverses prestations aux femmes. Le département de la Promotion de la femme veille, à chaque fois, à la prise en compte de la dimension genre dans les différents plans et programmes."


Ras le bol face à la violence
Mathurine Mafoukila a mené, avec l'aide du Fonds des Nations unies pour la population, une enquête sur "Les violences faites aux femmes et aux filles, y compris le harcèlement sexuel et l'attentat à la pudeur". Cette enquête, qui s'est déroulée dans plusieurs villes, a délié les langues des femmes et brisé du même coup la loi du silence.

Les résultats sont révélateurs. Les femmes subissent des "rapports sexuels forcés (33,1%), la domination ou l'inféodation (15,6%), les battues, coups et blessures (14,2%), les brutalités et les agressions (10,7%), les maltraitances et autres tortures morales (9,1%), la non considération (4,7%), l'assassinat (1,1%), le harcèlement sexuel (0,5%), la privation des libertés (0,3%), l'enlèvement ou la séquestration (0,3%), le refus des rapports sexuels (0,3%) et l'attentat à la pudeur (0,2%)", selon un article publié dans APEF-Congo.

Suite à ces résultats, quelques recommandations ont été faites. "L'élaboration d'une politique nationale de prévention et de lutte contre les violences, celles-ci mettant l'action sur l'application rigoureuse de la législation en vigueur; l'intensification de l'éducation civique et morale à l'école et le renforcement des mécanismes de lutte contre le grand banditisme."

C'est ma soeur cadette qui m'a fait parvenir les résultats de cette enquête sur la violence dans mon pays d'origine. Je ne résiste pas à l'envie d'introduire le message qui l'accompagnait.

Que ce texte réveille en toi une nouvelle vocation à savoir, celle d'ambassadrice de paix non seulement pour le Congo et l'Afrique, mais aussi pour le monde entier où cette forme d'injustice sociale est encore très présente. Désormais fais entendre ta voix pour défendre cette cause juste qui est la violence fait aux femmes. Seule la lutte libère.

Elle a dans ses veines cet esprit de combat contre la violence qui anime les femmes congolaises. Comment rester insensible et ne pas se réjouir d'une avancée si considérable dans le combat des Congolaises? Sans leur grande détermination pour vaincre le poids des traditions, les droits des femmes seraient un mirage. Les efforts déployés continuent graduellement de porter fruits. Autrefois, il était impensable de parler publiquement de la violence dans le couple. Une avancée considérable qu'il convient de souligner. Oui, oui, seule la lutte libère. Oui, oui, la femme congolaise doit prendre sa place, toutes griffes dehors.


Pages reliées :
Entre amours, larmes et lynchages, la violence explose, Ghislaine Sathoud, 2002
Médias: les femmes faiblement représentées au Congo, Le Moustique, 01-04-04
Le bal des vautours, Jean-Claude Mayima-Mbemba, 10-08-04
Affaire des disparus du Beach de Brazzaville: nul ne peut étouffer la vérité, Collectif des parents et amis des personnes arrêtées et portées disparues du Beach, 17-08-04

Les dernières nouvelles du Congo-Brazzaville de L'intelligent.com, du Moustique, d'allAfrica.com et de l'Association des démocrates congolais en France

Quand des cultures cohabitent, dialoguent et s'affrontent: la vie trépidante des immigrantes africaines au Québec, Ghislaine Sathoud, 08-04-04
L’Afrique: paroles de femmes, 03-03



Édition Web et mise en ligne : Nicole Nepton
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