R É S I S T A N C E ,  O U I   M A I S... 19-06-02

par Brigitte Verdière


J'ai une tronche avec ce vent de droite... Et si l'on revenait sur l'extrême-droite? Sur la résistance à l'extrême-droite, je veux dire. Un article du Monde diplomatique m'a en effet agréablement plu. Il s'intitule Les femmes font de la résistance et s'inscrit dans un dossier sur l'extrême-droite française, publié en 1998. L'auteure, Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherches au Centre d'étude de la vie politique française et collaboratrice de ProChoix, y démontre, analyse des résultats électoraux à l'appui, que l'électorat du Front National est plus masculin que féminin.

Ouf! Pas si bêtes, les filles! Elles ont compris qu'elles avaient plus à y perdre qu'à y gagner : les valeurs familiales portées au pinacle, le contrôle sur le corps des femmes, "l'image de parti guerrier, violent" ne leur plaisent pas. Les femmes contre l'extrémisme. Une fois la maturité politique atteinte (droit de vote acquis, intégré et digéré), les Françaises se sont mises à voter plus à gauche qu'à droite. Mais, mais, mais... car bien sûr, il y a un "mais", c'est l'analyse qui reste à faire du vote des dernières élections où un cinquième environ des électeurs français ont dit "oui" à la peste brune, oui à l'exclusion des plus faibles et des différents (gais, lesbiennes, malades du sida, immigrant-es...). Un vote dû essentiellement à la précarisation, au chômage, à la violence. Et on sait que les femmes en sont les premières victimes. Un rapprochement dans la manière de voter entre les femmes et les hommes est à craindre.

Des études sur les femmes et la politique montrent en effet que, dans la plupart des pays d'Europe, une plus grande expérience du politique s'accompagne d'une normalisation des attitudes. Cantonnées au départ dans des domaines qui touchent particulièrement les femmes (selon les hommes, bien entendu), les premières élues, qu'elles soient conseillères municipales, députées, ministres, se sont occupées de santé, de problèmes sociaux, de la famille, bref de toutes ces choses passionnantes pour lesquelles nous aurions un penchant "naturel", un toucher magique, des réponses innées, que sais-je?

Puis on a vu, en Norvège et en Finlande notamment, des femmes première ministre, ministre des affaires étrangères, de la défense, etc. Mais, car bien sûr, il y a un mais (oui, je me répète), une analyse plus pointue de la situation fait dire à certains auteurs que "les femmes ne sont pas les instigatrices de la politique sociale, elles en sont les objets" (aïe, même dans le social!) et surtout, que si elles sont plus présentes en politique, grâce à leur implication syndicale, au système de vote proportionnel, elles sont peu nombreuses dans les postes de direction économique et au sein du corps très sélect et sélectif des hauts fonctionnaires. Je vous avais bien dit qu'il y avait un "mais"!

Me revoici donc face à mes vieux dadas : au niveau des responsables économiques et financiers dirigeant le monde (cf. Fonds monétaire international, Banque mondiale et je passe sur tous les courtiers en banque, bourse, assurances, monnaie des États-Unis, du Japon, de Hong-Kong, de Londres, Zurich, Vancouver...), cela se gâte nettement pour nous. Les filles, pas bêtes, ne veulent pas avoir grand-chose à voir avec ce monde-là. Quoique, à bien y réfléchir, elles doivent avoir du mal à y faire leur place. Vous avez déjà vu une bourse, de près je veux dire, dedans, du vivant, c'est pire que la cage des singes du zoo du Bronx!

Quand les transactions n'étaient pas automatisées, on appelait cela "le parquet". On aurait pu aussi le nommer "ring de boxe". Cela sentait la sueur, les aisselles aigrelettes, le parfum d'homme qui a tourné, la négligence vestimentaire dûe à l'exaltation, au frisson de la fortune qui passait au loin... Rien de très mouillant! J'en ai connu des filles courtiers, courtières, comment faut-il dire? Mais pas beaucoup. Le gâteau, les hommes se le gardent, ils se le mangent entre eux. Alors nous passons de l'autre côté de la barrière. Nous demandons à ces messieurs "d'avoir une perspective de genre dans leurs politiques" pour ne pas dire "féministe", parce que des hommes ayant une perspective féministe, il n'y en a guère, et à vrai dire, je m'en méfierais.

Ce ne sont hélas que des aménagements. La seconde étape, après l'assaut de la citadelle politique, est maintenant l'assaut des centres de décision : industrie, finance, banque... Parce que c'est là que les choses se décident, et qu'il faut, pouce à pouce, conquérir ce terrain comme les autres. Et à la différence des autres, ne pas le laisser se dérober. Parce que tout ce que je vous ai raconté, finalement, se résume à une chose : quand les filles interviennent dans le jeu de billes des garçons, et qu'ils ne résistent plus, ils préfèrent aller jouer ailleurs, entamer un autre jeu d'où les filles seront exclues. Ouh, les mauvais perdants!




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Résister aux fondamentalismes

Le fondamentalisme est une réaction militante aux changements résultant du développement de la science et de la technologie, de la sécularisation des relations sociales, et du passage de modes collectifs à des modes individuels d'identitification et de valorisation sociale. Présent dans toutes les sociétés et toutes les religions, c'est un phénomène toujours politique puisque les fondamentalistes manipulent la religion pour atteindre des objectifs sociaux, culturels et économiques.

Au cours des deux dernières décennies, le fondamentalisme est devenu particulièrement puissant en Occident. Aux États-Unis, il exerce une influence importante sur le pouvoir politique. Il s'est aussi manifesté de façon particulièrement virulente dans les pays du Sud et dans les sociétés musulmanes parce que les traditions y sont plus présentes, la pauvreté généralisée et, surtout, parce qu'ils sont aux prises avec les effets du néo-colonialisme.

Les fondamentalistes choisissent expressément les droits des femmes comme arène pour livrer bataille. Pour résister aux fondamentalismes, les femmes doivent dépasser leurs différences nationales, culturelles, religieuses et raciales, s'entraider, connaître leur ennemi et reconnaître son pouvoir. Leurs armes les plus puissantes sont leur solidarité et leur unité.

Mahnaz Afkhami, Beijing 1995

Petit dictionnaire pour lutter contre l'extrême-droite

Lutter contre l'extrême-droite devient une extrême urgence. Beaucoup d'hommes et de femmes exclus ou craignant de l'être, ou écoeurés par notre fonctionnement collectif, se réfugient dans l'extrémisme, le rejet de l'autre et l'individualisme exacerbé. D'autres fuient toute forme de vie collective et se renferment dans leur espace privé. Nous devons aider les un-es et les autres à reprendre espoir tout en luttant contre le chômage et toutes les formes d'exclusion. Ce petit livre de Martine Aubry et Olivier Duhamel se veut un outil pour la réflexion et l'action. Il donne des faits, des statistiques, il recherche les vraies et fausses causes de la montée de l'extrémisme, rappelle les actes lourds et banals du racisme et expose les moyens de les combattre.


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Édition Web et mise en ligne : Nicole Nepton